de Ponape en Pohnpei


Ponape ou Pohnpei, c’est pareil, ça veut dire la pluie, non?

A Ponape Pohnpei, je n’ai fait que regarder mes pieds tellement il pleuvait, on a marché de nombreuses fois le long de la route qui reliait la ville à la marina, essayant d’éviter les automobiles qui nous croisaient, sans pouvoir relever la tête. On était courbé, le dos rentré, les idées pas très claires, la vue brouillée, sous l’influence de la pluie, c’était ainsi à Ponape Pohnpei.

 

 

Nous avons retrouvé des amis de Tahiti et comme il pleuvait beaucoup nous avons beaucoup bu, pas toujours de l’eau, entre les soirées polynésiennes, italiennes, françaises et australiennes, nous avons fait le tour de la terre, sans bouger, une grande inertie nous a saisi, la pluie, la pluie, la pluie faisait son travail de sape, d’engourdissement, nous avions l’impression que jamais nous ne pourrions nous échapper de Ponape Ponphei, nous échapper était le mot tellement tellement tellement la pluie nous rendait prisonniers, barreaux de la pluie, même toute la comédie des services de l’immigration, leur citation en justice, leur amende de mille dollars qu’il voulait nous faire payer pour être entré dans les eaux territoriales sans autorisation, disaient-ils, tout cela n’était que pour fuir la pluie, fuir l’ennui, comme une distraction, celle de s’amuser des étrangers de passage, leur faire peur et soudain leur donner l’ autorisation de séjourner dans leur pays, on n’avait pourtant plus vraiment envie de rester dans ce pays et seule la pluie, seuls les amis nous retenaient . On a croisé des équipages désarçonnés, en plein désarroi, qui sont là depuis des lustres; dans leur jus,sans pouvoir sortir de cette poix, on a vu des bateaux morts, échoués contre la rive, la coque à moitié enfoncée dans l’eau, le seul mât qui dépasse, crevés, la gueule ouverte, éventrés, ou même rouillés, plein de larmes de rouille, pourtant nulle tempête à Pohnpei Ponape, nul cyclone n’atteint ses côtes, seul le temps, l’usure, la pluie a raison des plus solides bateaux.et on les laisse là, contre la rive, mort, crevés et même la vue de leur désastre n’émeut plus personne ici. Des immeubles de la ville, j’ai entrevu les façades décaties, moussues, dont le plâtre s’arrachait par lambeaux, tout paraissait vieux et usé, à Ponape Pohnpei; à quelques kilomètres de là, s’élevait la ville de Palikir uniquement composée de bâtiments administratifs flambants neufs, solides et inoxydables, et cette ville dans ce paysage de pluie semblait une fiction, une folie, surgie d’un esprit administratif, cette ville seule érigée pour occuper les gens, pour lutter contre l’usure du temps, contre l’ennui, contre la pluie. Évidemment personne n’habitait cette ville qui était là pour que les gens travaillent, passent le temps, certains diront vivent leur vie.

 

Devinette: L’un de ces quatre personnages est médecin… saurez vous le reconnaître?

 

A la marina, le yacht-club, avec une certaine énergie du désespoir ,invitait un comique pour faire son show devant une assemblée d’expatriés, de déracinés , accrochés au bar, à leur verre, semblait -il pour ne pas tomber. Face à ce comique, il fallait rire et s’amuser, c’était obligé. Question de politesse. C’était comme si quelqu’un nous étirait la bouche pour rire et que les rires qui éclataient étaient préenregistrés. Par la suite, on a recroisé le comique sur le bord de la route, mais personne ne riait.

 

Je me suis posée la question de savoir si tous ces bateaux échoués sur la rive dont une partie resurgissait ne venaient pas de cette cité engloutie qui bordait l’île et que certains ont situé comme étant la cité de Mu. Alors un jour incroyable de soleil, le seul jour de soleil de notre séjour à Ponape Pohnpei, nous sommes allés voir la cité de Nan Mandol:sur des îlots construits par l’homme, des murs de pierre s’élèvent, vestiges de la cité, d’énormes blocs de corail et de basalte, transportés par mer ou sur des troncs depuis la carrière à plusieurs kilomètres de là. La construction de si hauts murs (plusieurs mètres de hauteur) avec de si lourdes pierres (plusieurs tonnes) sans outil est un exploit et laisse un parfum de mystère, on pense à l’île de Pâques, aux pyramides égyptiennes, certains ilots étaient réservés aux seigneurs, et à la prière, d’autres abritaient les habitations, toute une cité vivait en ces lieux, avec ses croyances, ses dieux, son ordre, une cité engloutie se situait même aux abords de la cité de Nan Mondol et il fallait passer un porche de pierre pour y accéder.

 

Dans la cité, une bonne partie du temps, nous avons été poursuivis par une jeune femme qui tentaient de nous faire payer une taxe pour avoir traversés le territoire de son village afin d’accéder à la cité. Nous l’avons d’abord dédaignée, la considérant comme une harpie, c’était sans compter le système de pensées mélanésien, qui veut que chaque terre appartient à une communauté (un village) et entrer dans cette terre c’est devoir recueillir l’autorisation pour y entrer, soit symboliquement payer une taxe. elle n’avait ni papier, ni document prouvant que c’était elle qui était chargée de recueillir les fonds, c’était un pacte oral et moral, qui défiait tous nos codes, et contrevenait notre civilisation de l’écrit. Nous avons fini par payer.

Sur le chemin du retour, nous nous sommes baignés dans une grande cascade, Ponape Pohnpei, ça veut dire la pluie, non? Soudain je me suis tournée, et il y avait là une vingtaine de surfeurs australiens torses nus, prêts à plonger dans la cascade. Trop de soleil. Je n’étais plus habituée à ce soleil et c’est maintenant ce soleil qui troublait ma vue.

Note du Webmaster: Je n'avais pas de photo de surfer australien libre de droit... alors j'ai mis une photo de moi!

Note du Webmaster: Je n’avais pas de photo de surfeur australien libre de droit… alors j’ai mis une photo de moi!

Un jour reportant et reportant sans cesse notre départ, nous sommes quand même partis, faufilés entre les deux mots Ponape Pohnpei, nous nous sommes échappés, et avons retrouvé la mer libre.